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19 février 2008 2 19 /02 /février /2008 22:09
Chroniques de la pitié
Ou comment attirer sur soi
la compassion d’autrui,
quand on a une vie de merde.

 

 

-----VIII-----

 

 

Sous un affreux soleil d’un matin de printemps, je me mis à la vitrine du magasin, espérant, plus par ennui que par autre chose, assister à une bribe ou plus, de l’agitation quotidienne de la rue.

Pas un nuage dans le ciel. Pas de pluie, pas de froid. Voilà qu’il me manque, maintenant.

 

Dehors, il faisait b… be… beau ! Les oiseaux gazouillaient à vous crever les tympans, les enfants vaquaient à leurs futilités débiles et quelques couples arpentaient sans but la rue, en se tenant la pâte comme pour ne pas se perdre.

 

Trois voitures attendaient en file indienne leur tour pour passer au lavage. Un seul employé s’occupait de toute la besogne. Mais où était donc le garagiste ?

Je traînais mon regard sur toute la longueur du trottoir, à l’affût de la bête. Surprise ! Il était chez la blonde-coiffeuse d’en face. Ils discutaient. Je l’apercevais, de dos, qui devait baratiner la pauvre petite, entièrement dissimulée derrière ce ramassis de graisse. Ni une ni deux, je me lève, animé par un sentiment étrange, mélange de… et de… je ne sais plus.

C’est tout ?

Non, je devais faire quelque chose. Je me levai. Mon regard sillonna les étagères tout autour du comptoir. Je ne voyais que des clés, Gorgo, mon singe en bois et les figurines de danseuses, achetées à l’autre fou.

Tant pis, je ferai avec…

La figurine abandonnée dans un sac respectable, je quittai ma boutique. Deux tours de clé. Je traversai la route, jusqu’au salon de coiffure d’en face.

-          Bonjour.

Le garagiste se retourna. La blonde me lança un sourire de bienvenue, lui, grogna ou se racla la gorge ou fit quelque chose qui y ressemblait.

-          Je vous apporte un petit cadeau, offert par la maison » lançai-je en mettant le plus de bonne volonté dans ma voix.

-          Oh, merci » répondit-elle immédiatement.

-          Je vous dérange, peut-être » rétorquai-je aussitôt, sur ton totalement neutre.

-          Oh, non ! pas du tout » répliqua t-elle. « D’ailleurs, le monsieur devait partir. »

 

Je ne sais pas si c’était le fait qu’elle l’appelle ‘le monsieur’ ou le fait qu’elle l’ait indirectement invité à sortir qui le dérangea mais il fit deux pas en marmonnant quelque chose… une insulte peut-être. Il ouvrit la porte et lui lança un Pensez-y quand même, avant de sortir sans même un au revoir.

Quelle politesse ! Rien d’étonnant ; ma grand-mère disait très justement d’ailleurs « Etoffé sous les aisselles, maigrichon de la cervelle »…

 

-          Alors, qu’est que c’est ? » demanda t-elle impatiemment.

-          Oh, rien de fulgurant. Ce n’est qu’une petite figurine, une danseuse du ventre. » je sorti la statuette du sac.

-          Oh, elle est magnifique ! vraiment ! » elle prit la danseuse entre ses petites mains et la tourna dans tous les sens, un sourire collé à ses lèvres.

Silence. Et maintenant ? J’étais à court d’idées…

-          Je voulais vous rendre une petite visite… C’est fou de savoir que nous sommes tous les matins, l’un en face de l’autre, sans jamais nous adresser que des coucous lointains, sans jamais plus !

-          Je suis tout à fait d’accord. J’aurais du faire le premier pas…

-          En plus, je voyais que vous étiez toute seule…

-          Enfin, pas exactement seule, il y avait…

-          Ah bon, il y avait quelqu’un ?

-          Oui, le gr… le garagiste » dit-elle, un soupçon d’hésitation dans la voix.

-          Oh, oui. D’ailleurs, je ne sais pas pour vous, mais je trouve que c’était beaucoup plus calme maintenant... Attention ! je n’ai rien contre lui !

-          … Je trouve aussi, ne vous inquiétez pas. » coupa t-elle.

 

Elle m’invita à m’asseoir, privilège qu’elle n’avait pas accordé au ‘gros’. Nous discutâmes de tout et de rien. Du temps qu’il faisait la veille, des nouvelles du voisinage, etc.

Même si elle semblait reprendre de l’aplomb, elle ne parvenait qu’à peine à dissimuler les relents de tristesse qui l’envahissaient encore. Voilà deux mois déjà que…

Parfois, pour remédier au silence qui interrompait nos paroles, elle se levait, farfouillait dans un tiroir, ouvrait puis fermait un placard ou faisait mine d’attendre un appel sur son téléphone.

Face à elle, je me sentais… je ne me sentais plus. Ce corps rigide, cette âme fanée, ces pensées noires ; tout me quittait. Il ne restait plus qu’un cœur qui s’épanouissait à la lumière de son regard, qui paressait, serein, à l’éclat de sa blondeur. Je n’irais pas jusqu’à dire que j’étais heureux, mais je n’en étais pas très loin. Je ne pensais plus vraiment à ce que je disais…

 

-          Aimeriez-vous prendre un café… » proposai-je soudainement.

Elle hésita. Elle se tu. Silence. Rien ?

-          … Ce serait avec plaisir » répliqua t-elle après un certain temps.

-          Alors allons-y…

-          Mais… la boutique… je ne peux pas laisser le salon… et je ne peux pas non plus fermer... » elle dit ces quelques mots comme un enfant craindrait d’avoir le cœur brisé de ne pas pouvoir porter secours à un chiot blessé, c’est ce à quoi elle me fit penser sur le moment. Fragilité, tristesse, vulnérabilité, impuissance ; autant de malheur dans un si petit corps ; autant de malheur cohabitant avec autant de beauté. Pourquoi elle ? Pourquoi pas le ‘gros’ ? Lui est une brute, il supporterait… Pourquoi elle ?

 

Sans même m’en rendre compte, j’étais debout, je la tenais dans mes bras. Elle, s’était laissée faire. Elle m’étreignis par la taille et serra un peu plus. Mentalement, j’essayais de lui léguer de bons sentiments, de bonnes ondes tout en m’imbibant de la noirceur qui la contaminait. Je voulais partager sa peine -pas pour moi, cela ne m’apporterait rien- mais pour elle, pour soulager sa souffrance, pour l’alléger, ne serait-ce qu’un peu de son fardeau.

Elle appuya son visage contre ma poitrine et chaque parcelle de mon corps frémit de peine.

Elle ne pleura pas. Elle ne gémit pas, comme le ferait d’autres… loques !

Elle, restait forte, malgré tout. Elle retira une main, puis la deuxième avant de faire un pas en arrière. Elle me fixa d’un regard qui suffisait à remplacer mille ‘merci’.

 

Il ne se passa rien de spécial, mais c’est souvent dans ces moments là que l’on a le plus besoin de soutient de compréhension, d’amour…

-          Allons-y » lui dis-je doucement.

-          Oui, allons-y » répondit-elle.

 

Nous quittâmes le salon, qu’elle ferma à clé. Nous n’avions fait qu’un pas lorsque…

-          Où allez-vous ? » Scanda une voix rauque, lourde, désagréable : le ‘gros’.

-          Boire un café. » répondit la blonde.

-          Je viens alors » rétorqua la baleine.

Nous partîmes tous les trois en silence vers le café… Ah non, lui parlait toujours…

Du bruit, rien de plus…

 

 

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commentaires

Y
wallah wa7dek ya zied je te reconais trés bien lorsqueta parlé de ch7am. le garagiste c'est un vria connard de merde ta pensé a qui ???
Répondre
Z
Merci !Il vaut mieux ne pas le dire :D

Sans Prétention... Moi.

  • Z.Boussen
  • Ma vie est un mystère... Moi même n'en connais que très peu de choses. Vous voulez en savoir plus ? Contactez-moi, on fouillera le plus possible.
  • Ma vie est un mystère... Moi même n'en connais que très peu de choses. Vous voulez en savoir plus ? Contactez-moi, on fouillera le plus possible.

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