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14 mars 2009 6 14 /03 /mars /2009 20:59

Chronique de la pitié

-ou comment attirer sur soi

la compassion d’autrui

quand on a une vie de merde.

 

Chapitre XIII

 

J’ai souvent méprisé les femmes. Par rancœur, certaines fois, mais plus par peur ou par manque de confiance -en moi- toutes les autres fois. Ces créatures qui ont sur nous pareilles maîtrise et influence, pareils contrôle et emprise m’effraient. J’ai succombé tant de fois à leur beauté ou à leurs avances et j’en ai moi-même fait quelques unes.

Et maintenant que j’y pense, je comprends cette méprise. Je la condamne en moi-même et je ne la cautionne nullement, mais je la comprends. Par analogie, je constate que chaque fois qu’elle m’a envahit, cet instant coïncidait avec une partie de ma vie ou régnait en maîtresse, souveraine et autoritaire, la solitude qui n’épargne personne, je le sais, et qui ne m’a pas épargnée. J’en veux peut-être au genre qui n’est pas le mien, de m’avoir, par instants, laissé tomber. Et je le comprends d’autant plus que dès que la solitude est violée par une intruse, elle s’évapore et se fait oublier.

Je ne comprends pas les femmes, comme tout homme, je le pense. Et aussi naïf puisse ce cliché être, je ne rechigne pas à le dire et à le redire. Mais je ne me plains guère de cette situation, d’ailleurs, j’en tire même un certain réconfort : à quoi me sert-il de côtoyer un être que je connais de fond en comble, que je comprends sans peine aucune ? Rien. Il est bien plus utile de s’intéresser à ceux qui nous dissemblent. Explorer une terre inconnue, lever le voile sur un mystère dormant, naviguer sur des eaux troubles et capricieuses, tout cela est bien plus intéressant. Et l’homme se serait lassé de la femme depuis deux millénaires s’il n’avait à redécouvrir chaque jour et son lendemain les choses qu’il ignore ou qu’il oublie à son sujet.

La Blonde sourit en accueillant une cliente. Elle ne l’avait pas fait depuis longtemps, tout du moins, je ne l’ai pas vue le faire depuis plusieurs semaines. Elle était radieuse, même au comble de la peine et de l’abattement ; peine et abattement que j’avais du mal à comprendre. Elle témoignait d’une force surprenante en brisant des côtes qu’elle servit à la cliente. Vous avez oublié ? Elle est toujours charcutière quatre matins par semaine. Je la contemplais de derrière ma vitrine, mon regard entrecoupé par quelques passants qui s’arrêtaient pour observer les bibelots exposés. Radieuse. Il était midi. Elle rangea le local et ouvrit celui d’à côté, le salon de coiffure. En passant, elle me vit, la regardant. Elle rougit légèrement, même à vingt mètre je le vis, et secoua délicatement sa main. Je lui rendis un sourire qu’elle ne vit pas.

A cet instant, le silence qui m’entourait tempêta à tel point qu’il réveilla l’antique méprise qui m’habitait. Impulsivement, je me mis debout avec mépris et sortit de la brocante. Je traversai, toujours avec mépris la Rue et, juste en frappant à la porte, me retrouvai devant la Blonde : le mépris mène parfois loin et je me rendis vite compte de l’inconscience de mon geste. Qu’allais-je lui dire maintenant et qu’allais-je faire ? Elle, se contenta de sourire et de parcourir la pièce en remettant de l’ordre un peu partout. Elle se retournait parfois pour voir se ce que je faisais, mais elle voyait bien que je ne faisais rien. Rien que la regarder silencieux, happé par une force qui m’empêchait de réfléchir ou même de retirer cet air béat que j’affichais. Je ne saurais dire ce qui m’attirait, si toutefois ce que je ressentais était de l’attirance.

Le soleil de Mars éclairait la Rue et pénétrait dans le salon de coiffure pour écraser ses rayons sur mon dos. J’avais chaud. Il faisait beau. Je la regardais, elle, gigoter, nettoyer, dépoussiérer, ordonner la pile de journaux, ranger le sèche-cheveux et tous les autres accessoires dont elle avait usage. Je la voyais se pencher, s’accroupir, se tenir sur la pointe des pieds et au terme de ce marathon maniaque s’étendre sur un banc et reprendre son souffle, en ignorant presque ma présence. Soudainement, par l’effet de la chaleur ou de l’attraction, une impulsion me frappa violemment à la tête et au cœur : sans réfléchir, je courus presque sur elle, allongée, et me jeta comme un loup sur sa proie. Elle ne tenta même pas de me repousser et accueilli avec chaleur la visite qui lui était rendue. La Raison avait momentanément perdu le combat qu’elle menait contre mes instincts et avait battu en retraite. J’assouvis ce désir qui m’habitait depuis si longtemps, désir généreux par ailleurs : je ne voulais plus la voir triste et j’eus la prétention de croire que mon geste -mis à part de me procurer un certain réconfort- suffirait à lui rendre le bonheur. Et j’ose croire qu’il la reconquit pendant une minute, un siècle même.

La porte s’ouvrit au tintement de la petite cloche qui la dominait, et apparu  une dame, une cliente, résidente de la maison de retraite du bout de la Rue. Elle poussa un cri étouffé, se prit la bouche avec une main et se cacha les yeux -un seul, en réalité- avec l’autre en laissant tomber son sac à main. La troisième impulsion de la matinée me jeta à un mètre en arrière et se transmit à la Blonde qui se releva en un clignement d’œil. Et coïncidence, on bafouilla tous trois en même temps. La vielle dame dit qu’elle reviendrait plus tard et, ramassant son sac, elle tourna les talons à une vitesse qui ne trahissait pas ses soixante-dix ans. La Blonde me regarda : on avait tous deux compris. Un témoin, à fortiori, résident de la maison de retraite, signifiait que dans la demi-heure, sans faute, la rumeur -la nouvelle, telle qu’elle serait présentée- aura atteint les deux rives et les deux bouts de la Rue…

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13 décembre 2008 6 13 /12 /décembre /2008 14:18

Chronique de la pitié

-ou comment attirer sur soi

la compassion d’autrui

quand on a une vie de merde.

Chapitre XII


Le café fut bon. La discussion un peu moins.

J’ai toujours eu ce défaut qu’ont les grands artistes de ne plus savoir que faire en face d’un chef-d’œuvre, de rester muet devant la beauté, impassiblement exalté. Et pour ceux qui ont ce même problème, je me permets de prodiguer un sage conseil : taisez-vous et laissez parler la beauté.

C’est bien ce que je fis. Elle avait prit un café, moi aussi. Elle parla pendant une demi-heure, une heure peut-être. Elle parla de son enfance, de son adolescence, de ses études, de son travail, de sa famille, de ses amis. Elle prit un deuxième café, moi aussi. Elle traita de l’actualité du monde, des catastrophes, des élections, des répressions, des guerres, des paix. Elle parla avec assurance de philosophie, maladroitement, de métaphysique, avec précaution, de religions, avec fougue de politique. Elle prit de nouveau du café, moi aussi. Elle critiqua les derniers défilés de mode, fit l’éloge d’un groupe de musique, résuma un film en trois mots -« dénué de sens »-, parla de Monet et de Delacroix, cita Socrate et Pascal, Chateaubriand et d’Ormesson. Elle prit un dernier café et m’en proposa un, avant de me lancer un fébrile « … et toi, parle moi un peu de toi ».

Que pouvais-je encor dire après pareille tirade ? Je lui répondis que ma vie n’avait pas grand intérêt. Que tout ce dont je pouvais parler était mon métier, ma brocante, ma Rue. Et ce fut à cet instant que je compris… Peu de gens ont ainsi réagis. Elle, le fit. Je compris…

Elle se leva et me demanda -m’ordonna- de lui faire visiter mon métier, ma brocante, ma Rue. Elle voulut visiter ma vie. Je payai la note -par ailleurs assez salée pour du café- et nous sortîmes ensemble. Mon travail, brocanteur. Je lui expliquai comment j’en suis arrivé là : un malheureux concours de circonstances. Une passion d’abord, une vocation ensuite, l’ennui enfin. Je lui dis que je voyais dans toutes ces vieilles choses une empreinte du passé, une marque du Temps, imperturbable court dont j’aime à marquer le passage. Je lui révélai que l’amour de ces antiquités me venait de ma mère, que du sang d’une noblesse tunisoise coule dans mes veines et lui dit que ce fut probablement ce qui m’incita à m’attacher au passé. Nous aimons tous le prestige et quand nous le perdons, nous nous attachons à la moindre miette qu’il oublie derrière lui. Et je lui avouai, également, que l’argent me motiva grandement et que - Dieu merci- je gagnais assez bien ma vie : une commode des années vingt vendue au début du mois m’entretenait parfois jusqu’à sa fin, voire au-delà.

Nous parcourûmes la Rue et je lui expliquai ce que ‘vous’ savez déjà à son sujet. Les vieux de la maison de retraite lancèrent des « … Il a trouvé quelqu’un l’émasculé ! » et des « … de notre temps, les hirondelles ne fréquentaient pas les crapauds ». Ils regardèrent de travers, curieusement, méchamment ou indifféremment. Les enfants grimpaient à des arbres, poursuivis par leurs parents. La blonde était rentrée et le garagiste étalé comme une loque sous une voiture dont l’avant resserrait dangereusement la graisse inondant son ventre. Nous entrâmes dans la brocante et je fis le guide. Les tableaux, les meubles, les babioles, les décorations, les ustensiles, tout fut scruté, jaugé, aimé ou déprécié. Enfin, nous revînmes à l’entrée. Je m’accoudai contre le bureau, elle, se tint dos contre le mur.

-Malheureusement, ce n’est pas suffisant. Ca ne fait pas le poids contre les révélations que je vous ai faites tout-à l’heure, faite-un effort, me dit-elle.

-De quel genre de révélation voulez-vous que je parle ? Je n’ai rien de truculent à vous révéler, rétorquais-je en réfléchissant à ce que je pouvais dévoiler.

-Je ne sais pas, répondit-elle. Trouvez ! Un secret, un fantasme, un ami cher…

-Ah je sais, l’interrompis-je. Je sortis Gorgo, mon singe en bois du tiroir. Voici mon meilleur ami et mon confident.

Elle resta silencieuse, étonnée.

-Ca fait pitié, c’est ce que vous pensez, n’est ce pas ?

-Absolument pas ! Il n’y a rien de pathétique. Je parle à mon chat, c’est sensiblement la même chose, répondit-elle en s’approchant de moi doucement. Je n’oserais jamais vous juger. Et si jamais ce fut le cas, vous trouvant très intéressant, mon jugement serait quelque peu partial, ajouta t’elle en s’approchant toujours plus.

Elle se tu. Je ne disais rien. Elle s’approcha. J’essayai de m’éloigner mais le meuble me stoppa. J’essayai de m’enfoncer en lui pour disparaître, je me concentrai sur cela, pour oublier l’inévitable, il me stoppa encor. Elle s’approchait toujours, en parlant de je ne sais plus quoi, peu importe d’ailleurs. Mes alarmes se déclenchèrent, elles qui étaient en veille depuis si longtemps. Je me crispais. Elle s’approchait. Gorgo, mon singe en bois, ferma les yeux et me chuchota qu’il préférait ne pas voir ça. Le bureau me mit devant l’imparable, l’inéluctable… Elle se tu de nouveau, tout en s’approchant. Elle mit sa main sur la mienne, le tout sur le bureau. Elle dit autre chose encor que je n’entendis pas. Elle chuchota. Mes alarmes s’affolèrent. Mon cœur s’emballa. Il partit derrière hurler un coup et revint assister au spectacle. Elle s’approcha encore. Ma vue prit ses jambes à son cou et laissa mes autres sens se débrouiller tout seuls. Mon ouïe avait déjà cédé depuis longtemps et mon odorat, en traître, s’était enivré du parfum de l’ennemi à la cause duquel il était entièrement acquit. Le tact avait était neutralisé. Ne restait plus que le goût. Le pauvre se retrouva tout seul, face à l’ennemi. Et d’un brusque mouvement de tête, il fut plongé dans un monde qui n’était pas le sien. Un monde qu’il avait connu, jadis. Il se mélangea avec son semblable, fusionna, s’en détacha et s’y mêla de nouveau dans un tourbillon d’exaltation qu’il traduisit à tout mon corps. Lorsque se fut la fin, il en demanda encor et il fut satisfait une seconde fois…

Mes sens reprenant place doucement, je me rendis à peine compte qu’elle venait de me remercier pour la journée passée en ma compagnie, qu’elle m’avait salué et qu’elle était partie en me disant que l’on se reverrait bientôt. Je restai là longtemps, je ne sais plus si c’était pendant cinq dix minutes, une heure peut-être. Je revivais enfin, revenu d’entre les insensibles.

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22 mai 2008 4 22 /05 /mai /2008 23:46

Chroniques de la pitié

Ou comment attirer sur soi

la compassion d’autrui,

quand on a une vie de merde.

-----Fragment sans position-----



- Je cale mon genou entre tes genoux. Mes mains atterrissent sur ton ventre, tout doucement. Mes doigts caressent ton nombril et remontent, lentement ; ta poitrine. Douce. Glissent. Elles s’enroulent autour de ton cou, rigide, musclé, brutal.

Je me sentais à deux mètres au dessus du sol. Je ne sais si ce sont les paroles qui m’excitaient plus que les gestes qu’elle décrivait en même temps ; probablement. Mes poils se hérissaient les uns après les autres, à mesure qu’elle explorait mon torse, ma nuque. Elle remontait son genou en s’accrochant à mon cou. Et partout, mes cellules s’affolaient, mes veines doublaient de volume comme si le sang se ruait de partout pour assister au spectacle, pour profiter lui aussi des bienfaits ; pour jouir, lui aussi –il en avait bien le droit–, laissant mon cerveau desséché : tant pis, je n’en avais pas besoin…

-          Est-ce que tu le sens ? Est-ce que tu « me » sens ? Chuchota t-elle, à quelques centimètres de mon oreille, qu’elle n’arrivait pas à atteindre, malgré le fait qu’elle se tenait sur la pointe des pieds. Je sais ce que tu veux. Je sais ce dont ton corps a besoin. Il n’est pas différent des autres…

Derrière, une main quitta ma nuque et s’écoula, d’un élan décidé, vers le bas de mon dos, en effleurant au passage le sillon que traçait mon échine. L’autre main se tenait coûte que coûte à mon épaule. Son genou errait entre mes jambes, toujours plus haut, toujours plus proche… Putain ! Elle enserra une de mes fesses, la droite, comme elle soulèverait un melon pour le soupeser, l’examiner de la main, de la paume. Cette dernière décrivait un cercle concentrique, tantôt pressant, tantôt relâchant. Gardes à vous !

- Tous pareils, je te dis.

Elle rabaissa sa jambe en caressant la mienne, qui ne tenait plus debout. Son talon gauche vînt contourner le mien. Et soudain, elle me poussa en arrière, sans violence, mais avec suffisamment de force pour me retrouver allongé sur le lit, de tout mon long, nu comme un ver. Elle se mit à quatre pattes sur le lit, son visage au dessus de mes mollets et s’avança doucement, lentement, presque furtivement…

Dehors, le soleil, tombait irrémédiablement derrière les maisons du bout de la rue, mais semblait néanmoins tenter, dans un ultime effort, de se maintenir à la surface de l’horizon, comme pour assister à la scène, ne pas rater une bribe de notre petit jeu, et se faisant, il embaumait l’atmosphère et la chambre de rayons vermeils.

Elle avançait toujours, ne prêtant attention ni au soleil, ni à rien dans les alentours. Elle fixait seulement mes lèvres, mes yeux et autre chose… Enfin ! Ses lèvres rejoignirent les miennes, en silence ; un silence divin, digne d’une mosquée, d’une cathédrale.

Quand je parle de silence, j’indique celui qui régnait dans la pièce ; car dans ma tête, c’était tout autre chose : c’était un boucan mélodieux, un vacarme harmonique, la 5e symphonie du sourd, l’autre, Beethoven –que d’ailleurs, je n’avais jamais entendu. La musique roulait en rythme avec chaque main qu’elle avançait, avec chaque genou qu’elle mettait en avant, avec chaque mouvement du galbe de son bassin qui remuait en avant, le côté gauche, d’abord, le droit, ensuite. J’entendis le refrain, lorsque sa langue vînt effleurer la mienne, qui s’abreuva comme jamais de ce succulent poison.

J’avais les yeux fermés et je voyais tout. Je voyais les siens fermés. Je voyais sa main se diriger vers mon cou, mon oreille. Alors, seulement, je la sentais, effectivement.

Son autre main me tendit une embuscade : alors que je l’attendais sur ma poitrine, elle vira brusquement vers… le sud.

Elle saisit l’homme qui était en moi et le traîna comme un esclave qu’on traîne à terre pour le punir, en le soulevant et en le rejetant.

Un mouvement divin, « Le » mouvement divin. Elle s’attarda à ce va et vient incessant et impitoyable. Le poids de son corps sur le mien, étalé, répandu, pesant, éveillait en moi un je ne sais quoi de bestial. Je mis une main contre le flanc de son ventre et l’autre à l’opposé pour intercepter son corps et avant même d’exercer la moindre pression, elle bouscula mon bras d’un geste violent, sauvage et me lança un « je suis généreuse, ce soir, profites-en, ne fais pas l’imbécile… »

Elle n’était pas nue. Je venais à peine de le remarquer. Non, en fait, je l’avais vu tout à l’heure mais je n’avais pas fais attention ; j’ai oublié. Elle portait une très légère chemise de nuit –et quand je dis légère… euphémisme. Transparente, elle dévoilait une physionomie renversante, défiant toutes les lois de la géométrie, de la gravité même –si vous voyez de quoi je parle. Une douceur laitière et des gestes fulgurants couplés à une minutie désarmante et une subtilité de mouvement ‘saisissante’.

A ceux qui disent « Dieu a créé l’homme, puis en s’ennuyant a créé la femme », je dis « Venez voir, c’est faux. Dieu a créé la femme, puis s’est rendu compte qu’il n’y avait personne pour admirer son chef d’œuvre, alors, seulement, il a créé l’homme, vulgaire spectateur d’une créature divine » !

Je ne parlais pas. Je réfléchissais beaucoup, je carburais et mes méninges s’affolaient, et tout cela en silence. Je le dis, car elle me lança un « Tais-toi ! » qui me sidéra, littéralement. Figé. Bon, ce pouvait aussi être le résultat de sa langue qui coulait sous mon nombril, que sais-je, simplement que j’étais immobile, de glace et bouillonnant comme un volcan avant une érection… euh, une éruption.

En fait, j’exagère, et je l’avoue en toute humilité, j’en été encore loin. Car, j’ai beaucoup de défauts, des énormes, des terribles et j’en suis conscient, et je l’admets bien volontiers ; mais j’ai aussi des qualités et l’une d’entre elles –je peux le dire, sans que cela ne passe pour prétention– c’est d’être endurant, de ce côté-là, je n’ai pas à me plaindre, et d’ailleurs, personne ne s’est jamais… « plainte » -ça ne s’accorde pas, je le sais.

« Tais-toi, j’ai dis ! »

Le soleil, s’était couché, ratant le meilleur. Le meilleur pour la fin. Il aurait du patienter. Et la lune prit le relais, comme s’il devait forcément qu’on soit éclairés. Prométhée avait volé le feu et l’on a toujours assimilé ce feu subtilisé à la connaissance, mais qui a dit que ce feu n’était pas l’amour, que ce feu n’était pas…

Putain ! Je ne contrôlais plus mon corps, qui se raidissait, parcourus de spasme naissant près de la langue qui effleurait le soldat, fièrement parti au combat. Ses mains, plus haut, gambadaient sur mon ventre, mon torse et se faufilaient partout, révélant certains recoins sensibles et faisaient me parcourir des frissons incontrôlables…

J’ai toujours eu cette conception de la générosité : donner aux autres ce qu’on aimerait garder pour soi, et surtout, le donner sans réticence. Et elle, confirmait cette idée là.

Elle finit vers neuf heures du soir. Enfin, « nous » finîmes vers neuf heures du soir. Elle m’avait ‘pompé’ toutes mes forces et je restai étendu là, ‘vidé’ et pourtant si serein, épanouit, même.

Elle vint s’allonger à mon côté, posa délicatement sa tête contre ma poitrine et s’accrocha à moi comme craignant que je ne parte discrètement durant la nuit. Et nous dormîmes, ainsi, dans le silence des nuits de mai.

 

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8 avril 2008 2 08 /04 /avril /2008 22:29
Chroniques de la pitié
Ou comment attirer sur soi
la compassion d’autrui,
quand on a une vie de merde.

 

 

-----XI-----

 

La vie est une battisse. Une immense construction qui ne cesse de s’élever, de s’enrichir et d’évoluer au cours du Temps. Elle repose sur une terre, sur La terre dans laquelle elle s’enfouit et à laquelle elle s’accroche. Notre âme, notre cœur sont cette terre.

Elle repose, comme tout bâtiment se doit de l’être, sur des fondations solides profondément encrées sous terre. D’innombrables piliers forment ces fondations. Les énumérer prendrait un temps fou, mais il est possible d’en citer quelques uns : l’amour, l’amitié, la justice, la solidarité, l’égalité, le courage, la générosité, et d’autres encore.

Lorsqu’un être vient au monde, sa vie n’est pas plus haute que trois pommes. En conséquence, ses fondations ne sont pas profondes et ne comptent que quelques piliers ; deux pour être exact : l’amour et l’instinct.

Tous deux sont d’une solidité sans faille, fièrement dressés et sans nulle crainte. Le premier nous vient de ceux qui nous chérissent le plus alors que nous leurs sommes étrangers, nos parents. Ils nous bercent dans un monde dont nous ne percevons qu’une infime lueur et dont nous ne soupçonnons même pas l’étendue. Ils érigent ainsi le premier pilier.

L’autre nous vient de la nature et dans les deux cas, il n’y a ni accord ni refus, ils sont là, un point c’est tout.

Puis avec le Temps, comme un chef de chantier, la vie se voit rajouter de nouveaux étages. Et tout niveau nécessite que le bâtiment soit encore plus solidement fixé au sol ; il y a donc obligation de rajouter des piliers. C’est ainsi qu’apparaissent l’amitié, la justice, la solidarité, l’égalité, le courage, la générosité, et d’autres encore. Mais le Temps ne juge pas, il travail. Et n’a donc aucun avis critique sur la forme, le fond ou l’apparence et se contente tout juste de construire. C’est ainsi qu’il arrive que des piliers plus sombres, plus dangereux mais tout aussi solides, apparaissent eux aussi. Le besoin, l’hypocrisie, l’égocentrisme, la prétention, le mensonge, le doute, et tous s’élèvent autour d’un pilier central : l’instinct.

Toute la demeure commence à faillir d’un côté ou d’un autre. Quelques piliers feignent de lâcher : la justice ou l’espoir. Il arrive que d’autres succombent et cèdent : la générosité ou la sincérité. Alors que d’autres s’implantent plus solidement encore et comme la gangrène, infectent toute la construction.

 

Un jour, il faut s’arrêter. Regarder Sa battisse de la vie et en tirer des conclusions. Quels piliers tiennent encore et lesquels ont cédés ? Combien d’étages ai-je ajouté ? Et combien ai-je supprimer par mes actes ? Lesquels je tiens à garder et desquels dois-je me débarrasser ? Cela ne peut pas faire de mal de tout remettre en question et l’on ne part satisfait, on ne quitte ce grand chantier heureux que lorsque l’on fait le bilan de tout cela.

 

Le mien est facile à faire. Les grands, gros piliers me soutiennent sans faille : la solitude et l’espoir. Aussi contradictoires soient-ils, ce sont les miens. Je n’en suis pas satisfait mais c’est comme cela. Je peux changer mais qu’il est dur de le faire !

J’ai perdu la justice le jour où j’ai compris qu’il fallait qu’elle soit pilier universel pour qu’elle ait un sens et une utilité, ce n’était pas le cas. J’ai perdu l’amour après la mort de mes parents, les deux ; Dieu les bénisse. Et l’amitié n’a jamais été chez moi qu’une vulgaire colonne vide et étroite. Mais il y a une chose dont je suis fier, c’est d’avoir amoindri la taille de mon pilier des instincts et ai utilisé sa matière pour couler celui de la raison.

J’ai planté en surface le jardin des sarcasmes avec quelques plantes d’ironie pour camoufler l’horrible réalité de mes tréfonds. J’ai érigé une grande grille à l’entrée : scepticisme. J’ai arraché la plaque qui indiquait l’adresse de cette entrée à coups de silence. J’ai brûlé le paillasson de bienvenue dans le feu de l’ingratitude et me suis terré au plus haut, tout dernier étage à l’abri de tous, étranger à ce monde bouillant, rapide et insatiable. Ce dernier étage je l’ai ajouté après avoir coulé le pilier de la pitié.

L’étage est immense et d’innombrables pièces le composent. Je n’ai pas fini de toutes les explorer et chaque jour j’en découvre une nouvelle. Je ferme certaines à clé et je laisse d’autres ouvertes. Mais bien vite, je me suis rendu compte que d’autres, des intrus, avaient les clés de certaines portent et qu’ils n’hésitaient pas à les rouvrir et à pénétrer dans ma vie un poignard à la main.

 

Ce fut ainsi jusqu’au jour où un immeuble s’éleva à mes côtés. Les mêmes piliers, le même  nombre d’étages, les mêmes proportions. Ce jour là, en regardant par la fenêtre de mon dernier étage, je ne voyais plus le néant. Je voyais une autre fenêtre, d’un tout autre dernier étage, d’un autre immeuble que le mien. Et je voyais à travers la fenêtre le même agencement des pièces et la ressemblance me troubla comme jamais.

Presque simultanément, soudainement, deux mêmes étages des deux immeubles s’écroulèrent et disparurent en même temps : l’étage de la solitude.

 

La sonnette de la porte d’entrée de la brocante tinta, me tirant de mon rêve, de mes pensées.

La locataire de l’immeuble d’en face était là.

 

« Bonjour, lança t-elle doucement.

-          Bonjour, répondis-je machinalement. »

 

Deux mêmes piliers dans les fondations des deux immeubles se renforcèrent.

 

« J’ai trouvé ce mot, sur le pas de ma porte, elle tendit la petite lettre que j’avais glissée devant la maison de l’ami-chauve.

Je bégayai. Des bruits incompréhensibles sortirent de ma bouche et je suis sûr que j’étais plus rouge qu’une tomate.

« Ce n’est pas grave, ne vous inquiétez pas, lança t-elle. Je suis venue vous rendre visite. »

 

Elle était belle. Simplement belle. Splendeur sans faste ni apparat. Et mois j’étais ridicule, rouge, confus.

Elle s’approcha.

« Voulez-vous prendre un café ?

-          Oui.

-          Allons-y alors.

 

Je pris mon manteau. Rangeai Gorgo, mon singe en bois, dans le tiroir du haut et sorti en fermant la boutique à clé.

 

Patience… Il est un temps à tout mais il ne faut pas brusquer le grand maître. Il sait ce qu’il fait, il faut juste se faire guider et agir au bon moment.

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6 avril 2008 7 06 /04 /avril /2008 22:35
Chroniques de la pitié
Ou comment attirer sur soi
la compassion d’autrui,
quand on a une vie de merde.

 

 

-----X-----

 

 

La fantaisie.

 

Comme une mélodie qui vous berce, qui vous cajole et qui vous emporte, comme une brise fraîche qui vous arrache à la vie, comme un songe qui vous habite, comme un espoir qui vous emplit, vous la voyez partout, vous la sentez partout et vous la déposez partout.

La fantaisie est ces yeux qui pétillent, ces larmes qui dansent et virevoltent mais sans jamais couler. Elle est ce regard toujours en éveil et sans cesse curieux. Elle est ce sourire à demi voilé qu’on ne retient pas. Elle est ces sens décuplés par on ne sait quelle cause. Elle est cet esprit tourmenté par la vie. Elle est l’optimisme, ou comment voir l’espoir vous faire un signe de la main derrière le pan de la robe du malheur qui le dissimule.   

Certains l’ont acquise par la souffrance, la solitude, l’abattement ou le malheur et ils en vivent. Pour d’autres, elle a été le fruit d’un bonheur inespéré ou d’un amour inattendu et ils en vivent. D’autres encore, sont nés avec, et ils en vivent. Alors que certains la heurtent sans cesse et sans répit au béton du mur de la raison, et ils en meurent. Car, nous en vivons tous, sans nous en rendre compte, et à qui la renie et la dénigre, elle ne répond plus.

 

Quelques fois, le matin de Tunis est propice à l’éveille de ma fantaisie. Je me réveille avec un sentiment qui relève de l’indicible, de l’incompréhensible, d’ailleurs.

Ce fut ainsi, ce matin là.

Je me réveillai par un soleil radieux. Après avoir mangé, m’être préparé, je pris une feuille blanche comme mon bureau en recèle des centaines et des milliers. Je pris un stylo et sans même y réfléchir, sans préméditation, j’écrivis au milieu : « A moins que l’on en veuille pas, l’amitié s’entretien au-delà des sacrifices, des plus insignifiants aux grands majeurs… ». Pas de signature, pas un mot de plus, je la glissai dans une petite enveloppe, elle aussi blanche.

Ce matin là, je parti à pied à la brocante. Sur ma route, il faisait beau. Et moi qui déteste le beau temps, j’en étais ravi, et ne pouvais en tenir rancune à qui que ce soit, même pas à Lui.

 

Au détour d’une rue, je vis la maison de l’ami-chauve se dresser de toute sa hauteur, derrière une clôture on ne peut plus garnie. Je n’avais pas remarqué comme elle était belle, la derrière fois. En même temps, j’étais venu de nuit, étourdit et fatigué. Mais ce matin là, je la vis très bien entretenue, très agréable à regarder, encore plus à s’y installer, sûrement. Toujours sans planification au préalable, je m’approchai de la grille d’entrée. Poussée délicatement, elle était ouverte. Je gravis les quelques marches qui me séparaient de l’entrée, je déposai la petite lettre sous l’interstice de la porte et retournai sur mes pas.

Personne ne me vit, pas même moi-même.

Je continuai ma route.

 

Tout était calme dans La Rue, car c’était ainsi que nous l’appelions tous, La Rue.

Ainsi, car c’était la plus importante. En réalité même, car c’était la seule. La seule rue qui comptait vraiment dans la vie de cette poignée de gens dont je faisais partie. Elle faisait vivre des enfants ; des vieux et leurs vieilles de la maison de retraite, où je n’allais jamais ; la blonde –charcuto-coiffeuse ou coiffo-charcutière, peu importe- ; et puis le garagiste, la brute lustrée à l’huile de moteur ; le café, aussi, où je me rendais de temps à autres pour tabasser et m’en prendre quelques unes ; et puis, il y a avait ma brocante, en plein milieu de La Rue.

S’il fallait un jour rompre tout lien entre La Rue et le reste de la capitale, le reste du monde même, tout se passerait comme si de rien n’était : la Rue est indépendant de tout, si ce n’est des livreurs qui y viennent pour ma brocante, pour la charcuterie ou pour le café. Elle était un havre de paix, de calme et de douceur. Et qui passerait par là, trouverait l’endroit bien agréable…

 

Seulement, La Rue a une face cachée. Un visage qu’elle ne dévoile qu’avec le temps, aux habitués. Une facette sombre, sinistre et diabolique.

Venez, passez par là ! Vous verrez ces enfants se battre, se moquer, jusqu’à blesser, des vieux d’en face. D’ailleurs, ces derniers sont tout autant pernicieux. Ne les avez-vous jamais vu chuchoter entre eux et vous observer, juste après, passer avec le regard d’une hyène guettant sa carcasse ? N’avez-vous jamais vu leur front se plisser et leurs rides s’écraser les unes sur les autres pendant qu’ils vous dévisageaient avec dégoût ou haine ?

Qui ne connaît pas l’endroit trouverait mignon ces vieillots assis sous leur porche, dans leur rocking chair. Mais qui insisterait du regard, verrait cette malice que le temps qui leur a passé dessus, leur a laissé en vestige et cette animosité passive que la mort leur a envoyé en éclaireur et qu’ils ont adoptés à défaut de la refuser. Et puis, on ne peut honnêtement dire que la blonde soit un symbole de joie de vivre et d’enthousiasme avec son sourire forcé, son visage marqué par la fatigue et la peine et ces locaux, chaque jour plus vides encore.

Ai-je besoin de parler du garagiste ? Sa gueule de suie et ses mains brûlées ne sont pas ce qu’il y a de plus chaleureux et de plus accueillant !

 Et puis, ne comptez pas sur moi pour vous souhaiter la bienvenue. Je me terre derrière ma vitrine et ne sourirais à personne pour un million.

 

La Rue est une ruine qui intériorise sa décadence et n’affiche que le bonheur et la sérénité. Ne faisons-nous pas tous ainsi ? Qui prétendrait le contraire ? Partout, l’hypocrisie parasite les relations, parasite les regards et les mots et contamine même l’air que l’on respire.

Car cette hypocrisie est la seule défense contre la pitié des gens, ce sentiment qui n’a rien d’honorable, rien de valorisant, la seule protection contre le mépris de ceux qui ne savent que ce qu’ils voient.

 

La pitié vient du cœur en un instant et repart tout aussi rapidement. Alors, ne reste que le mépris. Voilà ce dont les habitants de La Rue veulent se protéger. Ni par pudeur, ni par timidité, mais par honte. Honte de la pitié.

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24 mars 2008 1 24 /03 /mars /2008 22:30
Chroniques de la pitié
Ou comment attirer sur soi
la compassion d’autrui,
quand on a une vie de merde.

 

 

-----Fragment sans position-----

 

 

Deux mains s’enlacent et se dispersent. Deux lèvres s’embrassent et se caressent. Deux cœurs s’unissent dans l’ivresse d’un instant d’égarement. Deux mondes fusionnent dans la détresse et se confondent dans des yeux qui rêvent de centaines d’illusions. Deux corps se frôlent et se délaissent dans les flammes de l’action. Deux langues se marient et se dessèchent en glorifiant le dieu-passion. Deux âmes s’unissent sur le fond d’une fresque des grands soirs.

Et au reflet d’une lune rageuse battent le vent, battent la terre. Remuent le ciel et les enfers.

 

Torride !

Plus rien ne compte, plus rien ne vaut. Plus rien d’autre ne vit que ce corps qui chevauche et se soumet.

Plongé ! Ces yeux m’emportent. Ces yeux me noient. Ces yeux retiennent mon souffle, retiennent mon âme.

 

Rupture ! Déchirure ! Eclatement ! Tremblement ! Vie ! Gloire ! Oui, gloire !

Les lumières du monde s’éteignent. La Terre ne tourne plus. Suis-je encore un homme ? Qu’est devenu mon corps ? Il est là ! Elle me le fait sentir. Chaud. Palpitant. Vif. Elle sait mon corps. Elle le connaît. Elle ne l’a jamais vu, mais elle le connaît. Elle sait ses moindres recoins. Elle les visite. Je visite les siens. Sans invitation, j’y pénètre. L’accueil est chaleureux, ardent, incandescent.

 

Accalmie.

 

Tempête ! Secousses !

Le sommier couine. Quelques ressorts ou quelques visses –peu importe- feignent de lâcher. Tant pis. Je suis dans les vapes. Elle aussi. Je ne vois rien. Seulement la nuit. Si, je vois quelque chose : elle sourit. La vitre tremble. Mon corps aussi. Le sien, également.

La virilité ne fait pas l’homme, jamais ! La passion, si.

Elle empoigne ma virilité. Enlace ma passion.

Elle me tient la main. Je la prends. Le mouvement est le même, comme une danse. Je valse à travers la sueur, à travers la chaleur, à travers la nuit, à travers le plaisir, à travers son sourire. Sa peau est douce. Humide. Je pense trop. Je réfléchis trop. Je n’en profite pas assez.

Le drap est froid. L’air chaud. Suffit !

Je l’empoigne. Elle se soumet. L’artillerie décoche ses plus beaux tirs alors que la cavalerie se fait sérieusement secouer. Elle ne lâche pas prise, courage ! Elle fait honneur à… 

L’infanterie déroule sur le champ. Tout est passé au crible fin. Les soldats se réjouissent.

 

L’artillerie s’épuise. La cavalerie est à terre. Les soldats rentrent au bercail.

 

Une masse s’affale sur une autre. Rien de magique ? Si. L’amour. Les lèvres en veulent encore. Elles refusent de se séparer. Elles se côtoient, se chatouillent. La lune est en extase. Elle n’est pas la seule.

Son cœur bat. Le mien encore plus. C’est donc cela la vie ? Elle écoute la sérénade du mien. Je ne le maîtrise pas, il est fou ! Il gémit, non il crie. Il hurle ! Calme toi. Reprend la, me dit-il elle en veut encore, encore !

 

Exténué. Je n’en peux plus. L’Himalaya n’est rien. La Femme est la montagne la plus inaccessible et la plus hostile de l’univers, mais qui la dompte et la gravit se sent maître du cosmos. Je le suis. Si tu ne la prend pas encore tout de suite, tu seras le bouffon du roi et rien de plus, vas-y !

Elle m’embrasse et me repousse délicatement. Elle respire, étend les bras et écarte les jambes. Elle sourit. Fiotte, tapette ! Silence.

-          Merci, chuchote t-elle.

 

Le monde explose. Ma vie se déroule en un long ruban insignifiant. Voilà, ce qui lui donne du sens. Je pense à la blonde. Elle ne m’a pas dit merci. Tant pis. Le ciel s’illumine d’un feu d’artifice de mille et une couleur qui me donne des frissons, me hérisse les poils. Un spectacle que moi seul vois à travers la fenêtre, dans le ciel.

Quelques petites choses. Un je t’aime échangé et je m’endors.

 

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18 mars 2008 2 18 /03 /mars /2008 18:07
Chroniques de la pitié
Ou comment attirer sur soi
la compassion d’autrui,
quand on a une vie de merde.

 

 

-----IX-----

 

 

-          Mais qu’est ce qui c’est passé ? Je vous ai laissé seuls à peine cinq minutes ? elle épongeait délicatement mon visage avec un chiffon sec et doux. Son visage commençait seulement à décrisper, mais il gardait un air grave, presque effrayé. Non, vraiment ! Répondez. Qu’est ce qui c’est passé ? 

-          Euh… rien. Je ne sais pas. Ca a été tellement vite ! j’ai presque du mal à m’en rappeler…

-          Ne me dites pas ça ! Regardez ! elle tendit sous mes yeux le chiffon. Il était entièrement rouge, imbibé de sang. Une douleur lancinante parcourait ma tête de la tempe droite à ma nuque. On n’oublie pas quelque chose quand on a eu ça ! elle se retourna, scruta au loin. Il est parti, je pense, vous pouvez parler sans crainte, maintenant. 

-          Vous croyez que j’ai peur de lui ? Ce ramassis de graisse ne me fait pas peur ! Pff, tout dans les bras rien dans la tête ; ni dans le slip d’ailleurs ! Non, vraiment je ne me rappelle de rien.

-          Alors ça doit être grave, dit-elle d’un air inquiet, vous venez de recevoir un coup de poing sur le coin de la tête. Vous êtes tombé et vous vous êtes cogné la tempe contre la chaise. Ne restez pas ici ! j’appelle un taxi, continua-elle en s’éloignant vers le comptoir.

Je me tenais la tête. Je ne pensais à rien. Je regardais le carrelage blanc du sol. La fatigue commençait à envahir mes jambes et mes bras douloureux. Je regardais autour de moi la terrasse du café dévastée. Des chaises partout sur le sol, des tables renversées, des miettes de verres et d’autres débris jonchaient le sol. Un employé s’affairait auprès du comptoir à secouer le garagiste affalé sur le sol. Je n’arrivais pas à discerner son visage derrière le tablier blanc du serveur mais s’il était à terre, si cette grosse brute était à terre, c’est que ce n’était pas léger. Qu’avais-je donc fait ?

La blonde discutait avec deux clients au fond de la pièce. Elle revint quelques secondes plus tard, accompagnée d’un seul des deux hommes. Celui-ci m’empoigna par la taille, déposa mon bras droit sur ses épaules et me mît debout. La blonde, elle, fît de même, mais son effort fût négligeable tant elle manquait de force. Tous les trois, partîmes sur quatre jambes, le long de la rue, jusqu’à la brocante. Quelques voisins sortirent leur tête par la fenêtre, d’autres vinrent se poster sur le trottoir juste devant leur porte comme des vigils. Aucun ne proposa son aide, mais tous continuaient d’observer la scène d’un regard lourd, songeur.

-          Ca va mieux ? demanda la blonde, une fois entré dans la brocante et assis sur une chaise.

-          Oui beaucoup mieux. D’ailleurs, ça n’allait pas mal.

-          Merci beaucoup, rétorqua elle en se tournant vers le troisième homme. Je ne sais pas ce que nous aurions fait sans vous.

-          Il n’y a aucun problème, répondit-il, mais le monsieur devrait éviter de se frotter à plus… il hésita, à plus fort que lui, même si j’avoue qu’il s’en est très bien tiré.

-          Ne l’encouragez pas, il serait capable d’y retourner.

-          Ah, je ne pense pas, il est encore sonné, affirma t-il en souriant et en examinant mon front de plus près. Mais ça devrait aller. Un peu de glace et du repos ne serraient pas de trop. Il se tu puis ajouta un au revoir avant de partir. La blonde me fixa du regard.

-          Vous l’avez assommé ! Avec un cendrier en plus ! Qu’est ce qui vous ait passé par la tête ?

-          Je ne sais plus. Une insulte ou un coup de poing, peut-être.

-          Moi, si. L’homme de tout à l’heure m’a affirmé que vous parliez de moi, qu’il vous avez provoqué à mon sujet, ou menacé, peut-être, commença t-elle. Quelques souvenirs me revinrent, une fois calmé et reposé. Dites-moi pourquoi vous vous êtes battu !

-          Non.

-          J’insiste.

-          … Vous.

-          Comment ça ‘’moi’’.

-          Oui, vous. Mais d’abord dites-moi ce qu’il vous disait quand je suis entré au salon.

-          Cela ne vous regarde pas, déclara t-elle, en posant ses mains sur sa taille fine mais agréablement bien dessinée. La douleur au front reprit de plus belle.

-          Alors, je n’ai aucune raison de vous dire quoi que ce soit.

-          Vous n’êtes pas en mesure de me refuser ce quoi que ce soit, hurla t-elle. En criant, elle avait fait deux pas en ma direction, levé un bras et courbé le dos, si bien qu’elle ne se trouvait plus qu’à quelques centimètres de moi, son visage tout près du mien. Je parvenais même à ressentir son souffle caresser mon cou, à entendre sa respiration rapide : elle était énervée. Peu importe. Tout ce que j’avais en tête, c’était ces deux petites lèvres rouges, pulpeuses. Elle parlait. Comment le savais-je ? Je voyais sa bouche remuer, ses lèvres se décoller rapidement l’une de l’autre mais avec une grâce et une souplesse extraordinaire. Elle disait beaucoup de choses, me faisait sûrement la morale, mais je n’entendais rien. La peau de son visage était nette, pure. Son teint parfait, rosâtre. Ses yeux… provocants… Vous m’écoutez ?

Soudain, une paume me rasa la joue, ma tête partit dans l’autre direction et revint comme un boomerang. Elle me fit horriblement mal, comme si mon cerveau ne tenait qu’à un lambeau de chair dans mon crâne.

-          Oh excusez moi, dit-elle. Elle hurlait toujours mais ne s’en rendait pas compte ; elle avait mis la main devant sa bouche et écarquillé grand les yeux, en signe de terreur. Je ne voulais pas vous faire mal, excusez moi, ajouta t-elle.

-          Ce n’est pas grave, répondis-je en me tenant le front. Elle s’approcha plus encore. Je frémis légèrement, mais elle ne s’en rendit pas compte. Elle tendit la tête, les lèvres et m’embrassa sur le front.

Quelque part, quelqu’un s’est réveillé.

 

Elle s’éloigna, affirma que je devais rentrer chez moi. Elle appela un taxi, je sortis et y embarquais. Elle ferma la brocante à clé et me remit le trousseau avant de s’asseoir à mon côté. Elle donna l’adresse.

Une fois à la maison, je me suis affalé sur le divan… du bruit, plus rien, le noir.

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19 février 2008 2 19 /02 /février /2008 22:09
Chroniques de la pitié
Ou comment attirer sur soi
la compassion d’autrui,
quand on a une vie de merde.

 

 

-----VIII-----

 

 

Sous un affreux soleil d’un matin de printemps, je me mis à la vitrine du magasin, espérant, plus par ennui que par autre chose, assister à une bribe ou plus, de l’agitation quotidienne de la rue.

Pas un nuage dans le ciel. Pas de pluie, pas de froid. Voilà qu’il me manque, maintenant.

 

Dehors, il faisait b… be… beau ! Les oiseaux gazouillaient à vous crever les tympans, les enfants vaquaient à leurs futilités débiles et quelques couples arpentaient sans but la rue, en se tenant la pâte comme pour ne pas se perdre.

 

Trois voitures attendaient en file indienne leur tour pour passer au lavage. Un seul employé s’occupait de toute la besogne. Mais où était donc le garagiste ?

Je traînais mon regard sur toute la longueur du trottoir, à l’affût de la bête. Surprise ! Il était chez la blonde-coiffeuse d’en face. Ils discutaient. Je l’apercevais, de dos, qui devait baratiner la pauvre petite, entièrement dissimulée derrière ce ramassis de graisse. Ni une ni deux, je me lève, animé par un sentiment étrange, mélange de… et de… je ne sais plus.

C’est tout ?

Non, je devais faire quelque chose. Je me levai. Mon regard sillonna les étagères tout autour du comptoir. Je ne voyais que des clés, Gorgo, mon singe en bois et les figurines de danseuses, achetées à l’autre fou.

Tant pis, je ferai avec…

La figurine abandonnée dans un sac respectable, je quittai ma boutique. Deux tours de clé. Je traversai la route, jusqu’au salon de coiffure d’en face.

-          Bonjour.

Le garagiste se retourna. La blonde me lança un sourire de bienvenue, lui, grogna ou se racla la gorge ou fit quelque chose qui y ressemblait.

-          Je vous apporte un petit cadeau, offert par la maison » lançai-je en mettant le plus de bonne volonté dans ma voix.

-          Oh, merci » répondit-elle immédiatement.

-          Je vous dérange, peut-être » rétorquai-je aussitôt, sur ton totalement neutre.

-          Oh, non ! pas du tout » répliqua t-elle. « D’ailleurs, le monsieur devait partir. »

 

Je ne sais pas si c’était le fait qu’elle l’appelle ‘le monsieur’ ou le fait qu’elle l’ait indirectement invité à sortir qui le dérangea mais il fit deux pas en marmonnant quelque chose… une insulte peut-être. Il ouvrit la porte et lui lança un Pensez-y quand même, avant de sortir sans même un au revoir.

Quelle politesse ! Rien d’étonnant ; ma grand-mère disait très justement d’ailleurs « Etoffé sous les aisselles, maigrichon de la cervelle »…

 

-          Alors, qu’est que c’est ? » demanda t-elle impatiemment.

-          Oh, rien de fulgurant. Ce n’est qu’une petite figurine, une danseuse du ventre. » je sorti la statuette du sac.

-          Oh, elle est magnifique ! vraiment ! » elle prit la danseuse entre ses petites mains et la tourna dans tous les sens, un sourire collé à ses lèvres.

Silence. Et maintenant ? J’étais à court d’idées…

-          Je voulais vous rendre une petite visite… C’est fou de savoir que nous sommes tous les matins, l’un en face de l’autre, sans jamais nous adresser que des coucous lointains, sans jamais plus !

-          Je suis tout à fait d’accord. J’aurais du faire le premier pas…

-          En plus, je voyais que vous étiez toute seule…

-          Enfin, pas exactement seule, il y avait…

-          Ah bon, il y avait quelqu’un ?

-          Oui, le gr… le garagiste » dit-elle, un soupçon d’hésitation dans la voix.

-          Oh, oui. D’ailleurs, je ne sais pas pour vous, mais je trouve que c’était beaucoup plus calme maintenant... Attention ! je n’ai rien contre lui !

-          … Je trouve aussi, ne vous inquiétez pas. » coupa t-elle.

 

Elle m’invita à m’asseoir, privilège qu’elle n’avait pas accordé au ‘gros’. Nous discutâmes de tout et de rien. Du temps qu’il faisait la veille, des nouvelles du voisinage, etc.

Même si elle semblait reprendre de l’aplomb, elle ne parvenait qu’à peine à dissimuler les relents de tristesse qui l’envahissaient encore. Voilà deux mois déjà que…

Parfois, pour remédier au silence qui interrompait nos paroles, elle se levait, farfouillait dans un tiroir, ouvrait puis fermait un placard ou faisait mine d’attendre un appel sur son téléphone.

Face à elle, je me sentais… je ne me sentais plus. Ce corps rigide, cette âme fanée, ces pensées noires ; tout me quittait. Il ne restait plus qu’un cœur qui s’épanouissait à la lumière de son regard, qui paressait, serein, à l’éclat de sa blondeur. Je n’irais pas jusqu’à dire que j’étais heureux, mais je n’en étais pas très loin. Je ne pensais plus vraiment à ce que je disais…

 

-          Aimeriez-vous prendre un café… » proposai-je soudainement.

Elle hésita. Elle se tu. Silence. Rien ?

-          … Ce serait avec plaisir » répliqua t-elle après un certain temps.

-          Alors allons-y…

-          Mais… la boutique… je ne peux pas laisser le salon… et je ne peux pas non plus fermer... » elle dit ces quelques mots comme un enfant craindrait d’avoir le cœur brisé de ne pas pouvoir porter secours à un chiot blessé, c’est ce à quoi elle me fit penser sur le moment. Fragilité, tristesse, vulnérabilité, impuissance ; autant de malheur dans un si petit corps ; autant de malheur cohabitant avec autant de beauté. Pourquoi elle ? Pourquoi pas le ‘gros’ ? Lui est une brute, il supporterait… Pourquoi elle ?

 

Sans même m’en rendre compte, j’étais debout, je la tenais dans mes bras. Elle, s’était laissée faire. Elle m’étreignis par la taille et serra un peu plus. Mentalement, j’essayais de lui léguer de bons sentiments, de bonnes ondes tout en m’imbibant de la noirceur qui la contaminait. Je voulais partager sa peine -pas pour moi, cela ne m’apporterait rien- mais pour elle, pour soulager sa souffrance, pour l’alléger, ne serait-ce qu’un peu de son fardeau.

Elle appuya son visage contre ma poitrine et chaque parcelle de mon corps frémit de peine.

Elle ne pleura pas. Elle ne gémit pas, comme le ferait d’autres… loques !

Elle, restait forte, malgré tout. Elle retira une main, puis la deuxième avant de faire un pas en arrière. Elle me fixa d’un regard qui suffisait à remplacer mille ‘merci’.

 

Il ne se passa rien de spécial, mais c’est souvent dans ces moments là que l’on a le plus besoin de soutient de compréhension, d’amour…

-          Allons-y » lui dis-je doucement.

-          Oui, allons-y » répondit-elle.

 

Nous quittâmes le salon, qu’elle ferma à clé. Nous n’avions fait qu’un pas lorsque…

-          Où allez-vous ? » Scanda une voix rauque, lourde, désagréable : le ‘gros’.

-          Boire un café. » répondit la blonde.

-          Je viens alors » rétorqua la baleine.

Nous partîmes tous les trois en silence vers le café… Ah non, lui parlait toujours…

Du bruit, rien de plus…

 

 

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17 février 2008 7 17 /02 /février /2008 15:13
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Ou comment attirer sur soi
la compassion d’autrui,
quand on a une vie de merde.

 

 

-----VII-----

 

 

Dans le milieu des affaires, les idées des autres sont toujours assez bonnes pour être pompées. C’est une de ces déductions subtiles que le domaine m’a apprise. Pendant cinq ans, j’ai fréquenté cette jungle : j’ai travaillé comme publicitaire pour une grande entreprise nationale. Là bas, quand quelqu’un était à cours d’idées –ce qui arrivait très souvent- il n’hésitait pas à tendre un œil ou une oreille pour vous rafler vos bonnes trouvailles sous le nez.

Pire, même ! Il n’hésitait pas à tendre une jambe pour vous mettre à terre –et je parle à tous les sens. Il attendait le meilleur moment pour vous planter un couteau dans le dos, et il ne se contentait pas de cela, il touillait par pur plaisir.

Il fallait alors user des ruses les plus habiles pour survivre dans cet environnement sans pitié. Toute cette agitation, imperceptible aux yeux d’un néophyte, avait pour seul et unique but de recevoir le souffle d’espoir que représentait la prime de fin de mois, légué au plus productif.

De tout ce chaos que j’ai quitté, je n’ai gardé que quelques habitudes.

 

Je marchais un jour dans les rues du centre de Tunis. J’errais parmi les odeurs, les cris, les bousculades de cette masse… ce tas. Je ne savais pas ce que je cherchais, mais je savais que je cherchais quelque chose.

Au détour d’une rue, je m’arrêtai devant une vitrine sobre qui laissait apercevoir une foule d’objets anciens, en apparence. J’entrai. Personne au comptoir. Je m’avançai prudemment dans les rayonnages abondants.

 

Je n’aime pas la prétention. Ceux qui pètent plus haut que leur cul me sidèrent. Ils puent l’égocentrisme et l’affichent par un regard, des mots ou des gestes. Mais nous sommes tous doué pour quelque chose, à propos de laquelle nous pouvons nous permettre de parler sans que cela ne passe pour de l’orgueil. Pour moi, cette chose là, ce sont les objets d’art. Je peux vous évaluer la qualité d’un bibelot en un regard, sans me tromper ou avec une légère marge. Je suis fait pour cela, mais ne nous étalons pas sur le sujet.

 

J’étais donc entré dans le magasin. Je vis deux figurines de danseuses du ventre, mises côte à côte. Elles n’avaient aucune valeur réelle. Le visage était quelque peu effacé, par le temps sûrement, et la posture aurait pu suggérer beaucoup de choses à ceux dont les esprits résident au fond de leurs slips. Je ne sais pas ce qui m’est arrivé alors, mais je décidai de les acheter toutes les deux. En revenant sur mes pas, à l’entrée de la boutique…

 

 

-          Aaah !

-          Aaah !

-          Vous êtes qui ?

-          Et vous, vous êtes qui ?

-          Vous êtes dans MA boutique, à vous de répondre ? comment vous êtes entré ? » l’homme me fixait du regard et restait un peu en retrait de la caisse.

-          Par la porte, bien sûr !

-          Ne me prenez pas pour un imbécile, je le sais…

-          Que je suis entré par la porte ou que vous êtes un… ?

-          Arrêtez ! Vous me devez le respect, je pourrais être votre père ! » rétorqua t-il sur un ton autoritaire.

-          Je vois ça » répondis-je en retrouvant mon calme. « C’est comme ça que vous accueillez vos clients ?

-          Mes clients n’entrent pas comme des voleurs !

Silence.

-          Alors, qu’est ce que vous voulez ? » demanda t-il sans avoir encore encaissé la frayeur.

-          … Acheter ça » lui dis-je en montrant les deux figurines.

-          Vous avez du goût » lança t-il sur ton ou la condescendance se mêlait à une ironie incontrôlée.

-          Oh, épargnez-moi vos compliments. On sait vous et moi qu’elles ne valent pas grand-chose, alors je vous les prends pour dix dinars chacune.

-          Vous êtes fou ! J’ai une femme à entretenir et des enfants à nourrir !

-          Et moi une maison à décorer…

-          Quarante dinars la pièce, pas moins !

-          Vous entretiendriez une femme et nourririez des enfants avec de l’argent sale ?

-          Non et je n’en suis pas encore là !

Silence. Je me trouvai dans l’impasse…

-          C’est un prix pour touristes ça ! Wild lebled (compatriote), faites un effort ! » répliquai-je par l’argument qui a le plus court en Tunisie.

-          Très bien, trente dinars la pièce.

-          Jamais ! Regardez-les, elles ne valent même pas le premier prix que je vous ai proposé ! » lui dis-je en les lui mettant sous le nez. « Regardez-la, elle a le cul à l’air et la gueule en miette ! Et l’autre, trois orteils en moins et un bras de manchot ! Elles ne valent pas deux centimes ! mais je vais faire un effort… quinze dinars la pièce. »

Silence. Il hésitait.

-          Monsieur, ici on ne marchande pas le prix des femmes, surtout quand elles dansent. » répliqua t-il après réflexion. C’est tout ce qu’il avait trouvé… Peu convaincant.

-          Vous les vendez bien, pourquoi ne pas marchander ? Et puis, techniquement, je ne marchande pas. J’évite juste de me faire pigeonner. C’est mon dernier prix : trente pour les deux ! » affirmai-je avec assurance et sur le ton d’un dernier ultimatum.

Silence. Il hésitait. Je sorti un billet de trente dinars que je mis sur le comptoir comme pour clore le marché.

-          Pour la peine, vous n’aurez pas de sac en plastique. » Dit-il après un certain temps, irrité.

-          Ne vous inquiétez pas. De toutes les façons, je n’aime pas polluer.

 

Il ronchonna et pris l’argent. Moi je mis les figurines dans chaque poche de mon veston et sortit sous le ciel ombrageux de Tunis.

 

S’il y a bien une chose dont j’ai toujours été fier c’est de ma capacité à vaincre mes bas instincts, à dominer mes penchants. J’ai toujours su encadrer, éroder mes pulsions.

Le sexe attend l’amour et la raison. Le mensonge après la réflexion. L’économie après le don. Mais il y a une chose qui a toujours échappée à ce contrôle rigoureux. Une chose que je n’ai jamais pu ou su canaliser : la faim.

J’ai toujours faim et ne me prive jamais. Pourtant mon apparence démentirait cela, mais les apparences ne sont-elles pas trompeuses ?

 

Mon périple dans le centre-ville, me conduisit à un fast-food du coin, assez connu de tous et au logo jaune. A peine la porte ouverte et dépassée, vous entrez dans un monde nouveau, surprenant. Ce monde est habité de gens comme vous et moi, ou presque. Seulement eux, sont seuls. Si vous les voyiez. Tous des dodus, assis sur une chaise-et-demi et se goinfrant jusqu’à satiété et au delà. Certains se lèvent pour partir. Ils s’appuient alors sur la table, qui au passage feint de céder, et prennent leur cartable, leur veste et leur graisse qui pendouille.

Leur derrière les nourrirait jusqu’au siècle prochain, s’ils n’avaient plus rien, et eux, ne semblent même pas s’en apercevoir.

 

La Tunisie ne fait pas défaut à cette vague d’obésité qui assaille le monde moderne. Et moi, je me dresse contre cette tendance néfaste et -néanmoins- involontaire, je le sais bien. Je m’y oppose parce que je l’ai connue et l’ai souffert…

Mais pourquoi est-ce que je vous raconte tout cela déjà ? Je ne sais plus. Tant pis. Passons… 

 

La journée s’acheva par un ciel grincheux, un soleil timide et un vent excité. Je retournai à la boutique.

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12 février 2008 2 12 /02 /février /2008 14:32

Ps : Après mûre réflexion, il a été décidé qu’il n’y aurait pas de 5e chapitre. Le fil de l’histoire n’en est absolument pas affecté. Merci pour votre attention.

Chroniques de la pitié
Ou comment attirer sur soi
la compassion d’autrui,
quand on a une vie de merde.

 

 

-----VI-----

 

 

… La porte venait à peine de s’ouvrir. Elle était là, debout. Le tumulte qui l’entourait ne me parvenait qu’en écho lointain. Mon regard parcourut le chemin du paillasson jusqu’à elle…

 

Des talons aiguilles rouge vif chaussait délicatement ses pieds. Des jambes à embraser le monde prolongeaient l’idéal et se dissimulaient un peu plus haut, sous le bas d’une robe pourpre digne d’une inconcevable beauté. Sa taille mince était légèrement retenue par une étroite ceinture noire. La robe remontait un peu plus en haut et, au niveau des épaules,  des bretelles s’en échappaient pour rejoindre le dos et la retenir. Seulement, le tissu semblait fuir une terre de vie qui se prolongeait au fond d’un décolleté à vous couper le souffle, à vous rompre les vertèbres, à vous éclater les amygdales et vous crever les yeux. Une cascade généreuse, parfaitement proportionnée : un océan de vie qu’aucune réticence ne pouvait enlaidir.

Son cou, comme un prélude à la magnificence ultime, se tenait droit, érigé, gracieusement, et soutenait la splendeur des splendeurs : un visage rond, gracieux, éclatant de pureté, d’élégance et mde fraîcheur. Un visage illuminé, non, ensoleillé par un sourire à soumettre l’univers à ses pieds, à prescrire les cœurs à genoux et les âmes au bonheur. Il emplissait les environs d’une aura bienveillante. Une chevelure apprivoisée tombait doucement le long de sa nuque et, lisse comme la soie, prenait une teinte safranée qui invitait le regard à se pencher un peu plus encore dans le marron de deux joyaux d’une couronne aux multiples mystères. Un nez parfait, reliait la majesté de deux joues au teint incandescent. Et le suprême… ! Oh le suprême ! J’en rêve encore !

Une bouche pulpeuse, céleste ornement de l’enfer, relevées délicatement par un rouge à lèvres carné, à en faire baver les miennes. Qui a parlé de sexe faible ? Lequel est-ce donc ? Je ne sais plus !

 

Elle se tenait bien droite, en reine. Et son sourire chaleureux invitait à entrer le plus prestement du monde. Mon cœur a de nouveau bondit. Il a rugit. Il a chassé le froid et battu comme jamais, au point que je craignis que l’on voit ma chemise se soulever et se rabattre comme celui qu’elle celait : avec rage et envie. Mon esprit s’est enivré de cette fresque divine et mon âme a fuit au loin, le temps d’un souffle, au pays des rêves et de l’extase…

 

-          Tu entres ou pas ? » Me dit alors l’ami-chauve.

La réalité du moment me revint alors comme une gifle : j’étais resté debout, le regard rivé droit devant, sans me rendre compte que tout le monde s’était tu et que tous me regardaient, étonnés de me voir rester à la porte ; je devais être ridicule… Je fis un pas et la porte se referma.

-          Je suis ravi que tu aies pu venir, merci infiniment. » Me dit alors l’ami-chauve.

-          Le plaisir est pour moi » répondis-je, encore étourdi.

-          Viens je vais te présenter ma femme, *****. » Il me prit par le bras et m’attira quelques pas plus loin. Mes pires craintes devinrent réalité : « *****, je te présente un ami de longue date. Nous étions les meilleurs copains du monde avant que nos chemins ne se séparent…

-          Je suis ravie » coupa t-elle. Elle me tendit la main. Je la pris. Elle était douce, chaude. Je la lâchai…

-          … Je suis… euh… vraiment… euh… radis… ah, pardon… ravi… » bégayai-je.

Tous deux rirent doucement. Ils savaient que j’étais intimidé, mais pensaient que c’était l’endroit qui me faisait cet effet là. Seulement, je décelai chez elle un regard étrange. Aucun de nous deux ne dit à l’ami-chauve  que nous nous connaissions déjà, elle et moi ; que nous nous étions rencontré à la brocante…

 

La soirée suivit son cours normalement. Un buffet était présenté aux invités, à qui les nombreuses discussions avaient donné faim. On mangea, on but, on discuta, on rit. A vingt-deux heures, les premiers convives commencèrent à rentrer. Une demi-heure plus tard, il n’y avait plus que les deux maîtres de maison, un ami et moi. L’ami-chauve et l’autre commencèrent à parler affaire, ce qui les conduisit au bureau de l’hôte pour diverses raisons, me laissant seul avec une déesse.

-          Avez-vous aimé la soirée ? » questionna t-elle pour remplir le vide qui commençait à devenir gênant.

-          J’ai adoré. C’était réussit, vraiment… Merci, et je voulais aussi…

-          Ah, au fait ! Je voulais vous remercier pour… attendez, venez… » Elle me prit par la main. Je la pris. Elle était douce, chaude –je radote, je sais. Elle m’emmena au détour d’un couloir que je n’avais pas encore visité. Une petite pièce avec deux canapés en face d’une télé. Au dessus de celle-ci, le ‘Géographe’. « Il est magnifique. Je n’ai eu que des compliments à son sujet… Merci ! » Dit-elle.

-          Mais je n’y suis pour rien » répondis-je innocemment. « Remerciez plutôt le peintre… »

-          … Aussi, oui. Mais vous d’abord. » Elle serra l’étreinte de sa main en signe de reconnaissance. « Je reviendrais vous rendre visite, si vous le voulez… ». Je fis simplement oui de la tête. « Cela ne semble pas vous enthousiasmer d’avantage… » dit-elle d’un air pincé.

-          Ce n’est pas ça, non. Ce serait un plaisir, bien sûr ; et puis sachez reconnaître en mon signe de tête un plaisir démesuré. Je vous attendrais… Mais pour l’instant je dois partir… »

 

Les salutations faites et les remerciements émis, je partis après quelques embrassades rejoindre ma maison, mon bonheur –noir–  et mes amis : la solitude, le rêve et un petit nouveau… l’amour.

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Sans Prétention... Moi.

  • Z.Boussen
  • Ma vie est un mystère... Moi même n'en connais que très peu de choses. Vous voulez en savoir plus ? Contactez-moi, on fouillera le plus possible.
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