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6 avril 2008 7 06 /04 /avril /2008 22:35
Chroniques de la pitié
Ou comment attirer sur soi
la compassion d’autrui,
quand on a une vie de merde.

 

 

-----X-----

 

 

La fantaisie.

 

Comme une mélodie qui vous berce, qui vous cajole et qui vous emporte, comme une brise fraîche qui vous arrache à la vie, comme un songe qui vous habite, comme un espoir qui vous emplit, vous la voyez partout, vous la sentez partout et vous la déposez partout.

La fantaisie est ces yeux qui pétillent, ces larmes qui dansent et virevoltent mais sans jamais couler. Elle est ce regard toujours en éveil et sans cesse curieux. Elle est ce sourire à demi voilé qu’on ne retient pas. Elle est ces sens décuplés par on ne sait quelle cause. Elle est cet esprit tourmenté par la vie. Elle est l’optimisme, ou comment voir l’espoir vous faire un signe de la main derrière le pan de la robe du malheur qui le dissimule.   

Certains l’ont acquise par la souffrance, la solitude, l’abattement ou le malheur et ils en vivent. Pour d’autres, elle a été le fruit d’un bonheur inespéré ou d’un amour inattendu et ils en vivent. D’autres encore, sont nés avec, et ils en vivent. Alors que certains la heurtent sans cesse et sans répit au béton du mur de la raison, et ils en meurent. Car, nous en vivons tous, sans nous en rendre compte, et à qui la renie et la dénigre, elle ne répond plus.

 

Quelques fois, le matin de Tunis est propice à l’éveille de ma fantaisie. Je me réveille avec un sentiment qui relève de l’indicible, de l’incompréhensible, d’ailleurs.

Ce fut ainsi, ce matin là.

Je me réveillai par un soleil radieux. Après avoir mangé, m’être préparé, je pris une feuille blanche comme mon bureau en recèle des centaines et des milliers. Je pris un stylo et sans même y réfléchir, sans préméditation, j’écrivis au milieu : « A moins que l’on en veuille pas, l’amitié s’entretien au-delà des sacrifices, des plus insignifiants aux grands majeurs… ». Pas de signature, pas un mot de plus, je la glissai dans une petite enveloppe, elle aussi blanche.

Ce matin là, je parti à pied à la brocante. Sur ma route, il faisait beau. Et moi qui déteste le beau temps, j’en étais ravi, et ne pouvais en tenir rancune à qui que ce soit, même pas à Lui.

 

Au détour d’une rue, je vis la maison de l’ami-chauve se dresser de toute sa hauteur, derrière une clôture on ne peut plus garnie. Je n’avais pas remarqué comme elle était belle, la derrière fois. En même temps, j’étais venu de nuit, étourdit et fatigué. Mais ce matin là, je la vis très bien entretenue, très agréable à regarder, encore plus à s’y installer, sûrement. Toujours sans planification au préalable, je m’approchai de la grille d’entrée. Poussée délicatement, elle était ouverte. Je gravis les quelques marches qui me séparaient de l’entrée, je déposai la petite lettre sous l’interstice de la porte et retournai sur mes pas.

Personne ne me vit, pas même moi-même.

Je continuai ma route.

 

Tout était calme dans La Rue, car c’était ainsi que nous l’appelions tous, La Rue.

Ainsi, car c’était la plus importante. En réalité même, car c’était la seule. La seule rue qui comptait vraiment dans la vie de cette poignée de gens dont je faisais partie. Elle faisait vivre des enfants ; des vieux et leurs vieilles de la maison de retraite, où je n’allais jamais ; la blonde –charcuto-coiffeuse ou coiffo-charcutière, peu importe- ; et puis le garagiste, la brute lustrée à l’huile de moteur ; le café, aussi, où je me rendais de temps à autres pour tabasser et m’en prendre quelques unes ; et puis, il y a avait ma brocante, en plein milieu de La Rue.

S’il fallait un jour rompre tout lien entre La Rue et le reste de la capitale, le reste du monde même, tout se passerait comme si de rien n’était : la Rue est indépendant de tout, si ce n’est des livreurs qui y viennent pour ma brocante, pour la charcuterie ou pour le café. Elle était un havre de paix, de calme et de douceur. Et qui passerait par là, trouverait l’endroit bien agréable…

 

Seulement, La Rue a une face cachée. Un visage qu’elle ne dévoile qu’avec le temps, aux habitués. Une facette sombre, sinistre et diabolique.

Venez, passez par là ! Vous verrez ces enfants se battre, se moquer, jusqu’à blesser, des vieux d’en face. D’ailleurs, ces derniers sont tout autant pernicieux. Ne les avez-vous jamais vu chuchoter entre eux et vous observer, juste après, passer avec le regard d’une hyène guettant sa carcasse ? N’avez-vous jamais vu leur front se plisser et leurs rides s’écraser les unes sur les autres pendant qu’ils vous dévisageaient avec dégoût ou haine ?

Qui ne connaît pas l’endroit trouverait mignon ces vieillots assis sous leur porche, dans leur rocking chair. Mais qui insisterait du regard, verrait cette malice que le temps qui leur a passé dessus, leur a laissé en vestige et cette animosité passive que la mort leur a envoyé en éclaireur et qu’ils ont adoptés à défaut de la refuser. Et puis, on ne peut honnêtement dire que la blonde soit un symbole de joie de vivre et d’enthousiasme avec son sourire forcé, son visage marqué par la fatigue et la peine et ces locaux, chaque jour plus vides encore.

Ai-je besoin de parler du garagiste ? Sa gueule de suie et ses mains brûlées ne sont pas ce qu’il y a de plus chaleureux et de plus accueillant !

 Et puis, ne comptez pas sur moi pour vous souhaiter la bienvenue. Je me terre derrière ma vitrine et ne sourirais à personne pour un million.

 

La Rue est une ruine qui intériorise sa décadence et n’affiche que le bonheur et la sérénité. Ne faisons-nous pas tous ainsi ? Qui prétendrait le contraire ? Partout, l’hypocrisie parasite les relations, parasite les regards et les mots et contamine même l’air que l’on respire.

Car cette hypocrisie est la seule défense contre la pitié des gens, ce sentiment qui n’a rien d’honorable, rien de valorisant, la seule protection contre le mépris de ceux qui ne savent que ce qu’ils voient.

 

La pitié vient du cœur en un instant et repart tout aussi rapidement. Alors, ne reste que le mépris. Voilà ce dont les habitants de La Rue veulent se protéger. Ni par pudeur, ni par timidité, mais par honte. Honte de la pitié.

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commentaires

N
boff open your mind nous ne sommes que des bactéries sur la terre qui elle meme n est qu un organe à quand le virus ? Tunis ça craint.
Répondre

Sans Prétention... Moi.

  • Z.Boussen
  • Ma vie est un mystère... Moi même n'en connais que très peu de choses. Vous voulez en savoir plus ? Contactez-moi, on fouillera le plus possible.
  • Ma vie est un mystère... Moi même n'en connais que très peu de choses. Vous voulez en savoir plus ? Contactez-moi, on fouillera le plus possible.

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